fembloit ii pur, fi fimple & fi touchant, mes converfations particulières avec Haabas , avec Narina, m’avoient fi vivement intéreffé, que je maudiffois jufqu’aux rapides inftans enlevés à ces fcènes animées, & regrettois de n’en pas voir fe prolonger le cours. A mon réveil, j’allai vifiter le camp de mes Gonaquois; l’aurore commençoit à peine à briller; roulés en peloton fousleurs Kros(*); ils étoient tous plongés dans le plus profond fommeil; Narina étoit avec fa mère , fur une natte que je leur avois fait donner pour les garantir de l’humidité. Les fept autres femmes entaffées les unes près des autres formoient un grouppe plaifant ; on ne voyoit ni pieds ni têtes ; tout étoit caché fous la couverture ; je leur fouhaitai le bon jour par un coup de fufil lâché à leurs oreilles j je vis auffitôt toutes ces têtes effrayées fortir de deffous leurs Kros m’offrir le plus comique des tableaux; cependant quelques-uns des dormeurs ne fe réveillèrent point; ce qui ne doit pas furpren- dre ; car le fommeil pour les Hottentots eft voifin de la léthargie. Je les laiffai reprendre à leur aife l’ufage de leurs fens, & j’allai côtoyer la rivière pour tirer quelques oifeaux avant que la chaleur fe fît fentir; le Nord,qui dans ces parages fait l’office du midi en France , nous annonçoit une journée accablante ; je rentrai chez moi à dix heures avec quelques oifeaux, entr’autres un Gobe- Mouche roux à longue queue, que je regardois avec raifon comme une découverte heureufe : ce charmant animal, dont la couleur dominante eft en effet le plus beau roux , a la tête ornée d’un huppe plus belle encore, & porte deux très-longues plumes à la queue; es qui lui donne un air de dignité que fa femelle ne partage point avec lui ; encore n’en jouit-il que dans la faifon des amours; elle dure environ trois mois, paffé lequel temps ces deux plumes fe détachent d’elles-mêmes ; rien alors ne le diftingue de fa femelle qu’une teinte un peu plus rembrunie. Il ne faut pas confondre cette .efpèce avee l’oifeau du même { * ) Manteaux de peaux de différens Quadrupèdes dont f lement tons les Hottentots , foit pour fe vêtir de jour, foiet pfeoruvre nfte gcéonuévrrair ■perdant la nuit, J’aurai occaiion d’en parler plus amplement dans la fuite. genre décrit par Buffon & Briffon fous le nom de Gobe-Mouche huppé & à longue queue du Cap de Bonne-Efpérance ; il eft faux que cet oifeau fe trouve au Cap. Il appartient aux Indes & notamment à l’île de Ceylan. Il diffère beaucoup du mien. Les caraûères qui les diftinguent feront rapportés dans mon Ornithologie. Je puis feulement àffurer d'avance que les deux Gobe-Mouches, décrits fous ce nom, dont l’un eft prefque blanc & l’autre roux, &quon donne comme des efpèces différentes, n’en font abfolument qu une feule, & que cette variété dans les couleurs provient de la différence des faifons : on peut s’en convaincre en examinant 1 un de ees individus dans mon cabinet, qui, tenant encore des deux états, montre clairement le paffage fucceflîf du blanc au roux. Celui que je venois de tirer n’éprouve jamais ce changement; ce caraftère feul fuffit pour ne pas le confondre, comme on l’a fait, & pour en faire une nouvelle efpèce. Après avoir dépofé ma chaffe dans ma tente , je retournai au camp de mes hôtes ; je n’y trouvai que les hommes ; toutes les femmes avoient difparu ; on m’apprit qu’elles venoient de partir pour fe baigner. Curieux de voir cette cérémonie, je gagnai la rivière; je ne perdis pas beaucoup de temps à les chercher; leurs voix & leurs éclats de rire m’eurènt bientôt mis fur la pifte ; je me gliffai doucement entre les arbres & les brouffailles, & j’arrivai tout près du bord fans être aperçu ; elles nageoient toutes, folâtrant au milieu des eaux, & plongeant avec une adreffe merveilleufe. Lorfque j’eus examiné mes baigneufes à loifir, un coup de fufil que je tirai en me préfentant à elles fit ceffer leurs jeux. Toutes en même temps s’enfoncèrent dans l’eau , & ne montroient plus que le bout du nez; je m’étois affis (ur leurs habillemens entaffés; je prenois plaifir à les perfiffler , & leur faifois voir l’un après l’autre leurs petits tabliers, en les invitant à venir les chercher; la mère de Narina riôit aux éclats de l’embarras de fes compagnes ainfi prifes au dépourvu. Elle étoit fortie de l’eau plus tôt que les autres, & fe repofoit fous un arbre en les attendant ; elles me fupplièrent long-temps de m’éloigner ; ce fut en vain. Il ne leur reftoit qu’un parti qu’elles faifirent avec-une adreffe dont je fus
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