tion de sa mission, accomplir des tours de force d’intelligence. Les Arabes sont hospitaliers, mais leur hospitalité est réservée. L ’intimité de leur foyer est inviolable. Les Turcs sont mous, mais ils sont jaloux, etla jalousie en fait des tigres sans pitié. Arabes et Turcs sont d’ailleurs absolument et ré- solûment rebelles aux: moeurs douces et faciles des Européens, et ils tiennent à rester claquemurés dans leurs croyances religieuses et dans l ’intimité du harem. C était là pourtant qu’il fallait pénétrer pour satisfaire au programme du ministre d’État. Ernest Godard, que sa conscience engageait, que son amour de la science guidait et exaltait, ne s’est laissé intimider par aucun des airs rébarbatifs qu’il a d’abord vus grimacer devant lui. Les lettres à sa mère et à ses amis sont remplies des détails émouvants des luttes sans nombre qu’il a dû soutenir dans les tentatives qu’il a faites pour entrer de plain-pied dans le for intérieur de la civilisation orientale. Toujours repoussé, il a cependant réussi, et, quant aux populations de l ’Égypte et de la Turquie d’Asie, il a donné satisfaction au programme que lui avait tracé le ministre de l ’Empereur. Par quelles secrètes influences de la douceur et d’insinuations persuasives, a-t-il vaincu des résistances jusque là restées entières? Nul ne le sait ou ne le dira. Mais il les a vaincues. L’intimité musulmane et arabe n’a pas eu de secrets pour Ernest Godard. Ses nombreux cahiers de notes sur le bouton du Nil, Véléphantiasis et la lèpre, d’intéressantes et non moins nombreuses observations sur les moeurs secrètes des populations de l’Égypte et de la Turquie d’Asie sont la constatation posthume de sa réussite. Ces dotes et ces observations sont un butin précieux de certitudes désormais acquises à la science. 11 leur manque sans doute le développement intelligent et raisonné que, par un travail d’élaboration ultérieure, Ernest Godard se réservait de leur donner; mais, telles qu’elles sont, elles assurent à la France la priorité d’études sainement conduites, sur les causes de l’apathie séculaire qui distingue d’une manière si fâcheuse les populations arabes et turques et les rivent aux essais rudimentaires des premiers élans de la civilisation. A ce titre elles sont de précieuses annales qui ne seront point perdues pour la science, puisque, réunies et coordonnées par les soins obligeants de M. le professeur Charles Robin, de l ’Académie des sciences, elles forment un volume que la famille du docteur Ernest Godard s’est empressée de faire publier.
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