Les briques se désagrègent, le plâtre s’envole au vent, là bâtisse se tasse comme un tampon d’ouate grisé. Alors cela ne vaut plus la peine. Plutôt s’en offrir une neuve, quand on aura le temps et qui ne le sera pas longtemps. Est-ce à cause qu’elle contraste fortement avec la tristesse pesant ici sur les agglomérations humaines qu’une oasis donne aux yeux tant de joie? Certain officier amené bon gré mal gré au Sahara parle service me raillait. - - « Qu’y trouvez-vous donc ?... Affaire d’imagination ». Soit. Songez-y, monsieur l’intendant, c’est la collaboration de l’imagination avec la nature qui engendre l’art. — « Le moindre petit bois de chez nous n’est-il pas mieux? » Comparaison n’est pas raison. Laissons où ils sont nos chers bois de France, qui sont très bien. Mais abreuvons nous du charme lumineux et enveloppé à la fois de ces accords de verdure, de sable, de soleil dans un cadre de lignes pures et une harmonie de tonalités subtiles. A qui même le génie descriptif ne serait pas aussi parcimonieusement mesuré une lassitude viendrait de moduler éternellement ce thème. Plus las encore le lecteur. Comme sujet de je ne sais combien de toiles Claude Monet s’est satisfait d’une meule vue à différentes heures du jour. La plume ne possède point ce pouvoir... dont en l’espèce, elle a abusé peut-être. Que dire sur l’oasis du Figuig que je n’aie, bien trop abondamment, dit sur tant d’autres ? Les traits par quoi elle se caractérise sont faiblement déterminés. Ils sont pourtant. Tenez, au détour d’un des sentiers tortueux qui sillonnent le dédale, cet évasement en façon de clairière. La lumière ardente, tamisée en poussière d’or, s’émiette sur la surface glauque d’un bassin. Ne vous penchez pas sur lui. L’eau est huileuse et putride. On ne s’en étonne point sachant les cimetières établis précisément au-dessus des sources. Serait-ce à son impureté qu’elle doit une intensité morbide en faisant un miroir d’émeraude? Baignée de fraîcheur, ondoie une nappe d’orge déjà blonde. Elle se hâte de mûrir, car bientôt une journée suffirait à griller la moisson. La misère des murailles d’argile grise est drapée dans le vert tendre des figuiers chargés de fruits avant que soient complètement épanouies leurs jeunes feuilles. Les grenadiers éclatent de bourgeons rutilants. Les amandiers légers frémissent à la brise. Sur l’or pâle du sol line jonchée blanche de pétales d’abricotiers défleuris. Les rameaux roses des pêchers découpent nettement leur réseau d’une délicatesse infinie, donnant un exquis décor japonais. Par-dessus les têtes, le frémissement des palmes, dôme mouvant, d’élégance hautaine où pépient les rouges-gorges et roucoulent les tourterelles. Une douceur vous pénètre, une langueur, un abandon de tout soi- même. Quoiqu’au Maghreb, comme on respire ici l’atmosphère de l’Orient... Mais ce son discordant, perçu par la raison, non par l’oreille ?... A deux cent cinquante lieues d’ici, sur les quais grouillants et suants d’Alger, une sirène, à grandes clameurs stridentes, annonce l’appareillage. On me retient cependant. Demeurez avec nous... Si vous alliez être torpillée... Un caïd me morigène: « A qui se met la corde au cou Dieu donne quelqu’un
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