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cours à la violence ou à la ruse ; ces moyens n’ont qu’un temps et ils exposent à de justes représailles; le véritable moyen, le seul infaillible, dans l’Inde surtout, où les moeurs sont peu guerrières, paisibles, douces, sensuelles, c’est, nous le répétons, la douceur dans le régime, la fidélité dans les engagements. A ce compte, et il faudra bien un jour en venir là, la France a pour elle bien des chances, parce qu’elle a bien des sympathies. Si je prévois l’antagonisme, c’est sur le terrain de la raison, de l’humanité et de la loyauté, que je voudrais appeler les divers rivaux. En politique, ce n’est pas toujours le terrain qui est choisi de préférence, je le sais, et je ne me fais aucune illusion à ce sujet. Aussi, quoique je repousse toute idée qui tendrait à rallumer la discorde, à jeter des brandons sur les matières inflammables que j’aperçois de part et d’autre, je n’hésite pas à le déclarer nettement : s’il devait se trouver toujours de la perfidie et de l’astuce d’un côté, il n’y aurait que duperie de l’autre, et c’est ce qui ne peut être toléré, pas plus dans la vie des hommes que dans l’existence des nations. Le moment de se juger définitivement, paisiblement, est arrivé. Nos bons procédés sont connus, appréciés; comment y sera-t-il répondu ? Nous avons été d’une chevaleresque loyauté pendant la crise ; le danger n’existe plus ; comment va-t-on agir? C’est ici, qu’il convient de narrer très-sommairement cet événement important, cette révolte immense qui a permis à la France de montrer la générosité de-sa conduite; 'à l’Angleterre d’apercevoir l’énormité des fautes de la Compagnie qu’elle remplace aujourd’hui, événement qui permettra au monde de juger ce que vaut la reconnaissance d’une nation ! C’est à dessein que nous avons passé à peu près sous silence les luttes et les guerres entre les Anglais et les Français dans les Indes Orientales. Les deux nations ont la fibre impressionnable et nous ne voulons pas la surexciter. Nous savons tous que, souslegénie dévorant de Guillaume Pill, qui souffla aux Anglais sa passion et sa haine pour la France, le peuple anglais redoubla découragé, par ambition et par espoir de lucre, redoubla de fureur, par souvenir des défaites passées, et redoubla d’héroïsme, par l’exemple terrible de l’amiral Bing pendu au mât de son vaisseau, pour avoir laissé prendre l’île Minorque. P itt, cet ennemi redou table, ce fascinateu r des masses, ce caractère si absolu, pétri dé fermeté, de jalousie et de haine ; Pitt régénéra son pays, créa une marine formidable, lui insuffla la rage des conquêtes et porta à la France de ces coups qui s’oublient difficilement ; de ces coups qui laissent des cicatrices visibles encore, malgré l’ingénieuse apparence d’une entente cordiale. Mais l’athlète blessé n’en deviendrait que plus redoutable, s’il entrait de nouveau en lice. Le sourire amer avec lequel il regarde les traces à demi effacées de ses anciennes blessures dénote la confiance qu’il a dans ses forces et dans son courage. Il a pu être surpris, le vaillant champion ; mais il connaît aujourd’hui son adversaire, et, avant de lui prouver toute sa valeur, il


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